Notre parution du mois de mai est une bande dessinée réalisée par une jeune et talentueuse italienne, Lucia Biagi, que j'ai rencontrée pendant le Festival d'Angoulême en janvier dernier. Lucia est venue sur notre stand au début du festival pour se présenter et me donner un exemplaire de la version originale de son dernier livre, Punto di Fuga. Habituellement, je ne suis pas très chaud pour discuter de projets pendant Angoulême, mais intrigué par le dessin et le parcours atypique de l'auteur (outre son travail d'auteur, Lucia a également ouvert une librairie spécialisée bandes dessinées à Turin et créé un petit label d'édition), j'ai lu son livre le soir même (« lu » étant un grand mot, vu mon niveau d'italien). Intéressé par l'histoire et son style graphique, je suis retourné voir Lucia sur son stand le lendemain pour lui demander des précisions sur le récit (cf. la remarque sur mon niveau d'italien). Juste après Angoulême, je lui ai confirmé que nous allions publier son livre d'ici 2016. Et comme nous avons dû repousser la parution d'un autre livre, la sortie de Point de Fuite a été avancée à mi-mai. Tout ça fut donc très rapide...
Point de Fuite brosse le portrait de Sabrina, une jeune italienne de 25 ans, coincée entre post-adolescence et premiers pas dans l'âge adulte, très mal dans sa peau et dotée d'un caractère de chien. Sa tendance naturelle à se mettre en rogne franchit un nouveau seuil le jour où Sabrina apprend qu'elle est tombée enceinte, une grossesse aucunement désirée. Outre le fait d'aborder le thème de l'avortement, un des aspects intéressants de Point de Fuite est que son personnage principal est une véritable teigne, frustrée par son incapacité à contrôler les événements. Sabrina cherche systématiquement à comprendre comment les choses fonctionnent, une obsession retranscrite visuellement par Lucia Biagi sous forme de vues en éclaté de différents objets du quotidien. In fine, le mécanisme le plus complexe à maîtriser est celui du propre corps de Sabrina, du fait des dérèglements provoqués par sa grossesse puis par son avortement. Lucia Biagi trouve le ton juste pour exprimer les désarrois de son héroïne et livre une description en finesse du malaise - de la quasi crise existentielle - vécue par certains jeunes adultes, habilement mise en scène avec une judicieuse utilisation des trames et de la bichromie. Lucia devrait revenir en France à l'occasion du prochain festival d'Angoulême et peut-être même d'ici la fin de l'année.
A vous de lire !
Serge