Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog


Angoulême, c'est demain ! Le moment est venu de faire le bilan de l'année passée, et ce n'est pas de gaîté de cœur compte tenu des difficultés que nous avons connues.

 

Les chiffres récemment publiés par l'institut d'études GFK semblent indiquer que le secteur de la bande dessinée se porte très bien, avec une croissance du nombre de livres vendus et du chiffre d'affaires en 2018. Mais cette étude macroéconomique cache une réalité moins glorieuse quand on regarde les chiffres dans le détails, et de nombreux éditeurs, auteurs et autrices constatent chaque jour à quel point il devient difficile de passer la barre des 1 500 exemplaires vendus pour une nouveauté. En l’occurrence, 2018 est l'une des rares années depuis la création des éditions çà et là où aucune de nos nouveautés n'a dépassé les 2 200 exemplaires vendus, ce qui nous a posé de très gros problèmes de trésorerie (nous sommes une petite équipe de trois salariés, mais cela représente déjà des frais généraux non négligeables). Dans le détail, les ventes de nos nouveautés en 2018:

 

Nouveautés 2018, ventes au 31/12/2018
Parution Titre Ventes Retours Ventes nettes
Janvier Now 781 - 390 391
Février Courtes Distances 1 844 - 689 1 155
Mars Angola Janga 1 771 - 246 1 525
Avril L'une d'elles 1 806 - 490 1 316
Mai Pittsburgh 1 539 - 328 1 211
Juin Juice vol.1 1 411 - 292 1 119
Août Roucou 696 - 5 691
Septembre Deux Femmes 1 656 - 12 1 644
Septembre Phagocytose 1 225 - 62 1 163
Octobre La douleur, quelle chose étrange 1 813 - 1 1 812
Novembre Les Lumières de Niteroi 2 235 - 37 2 198
Novembre Au plus près 948 - 5 943


Les ventes moyennes de nos nouveautés ont chuté à 1 264 exemplaires en 2018 contre 1 786 ex en 2017 (et 1 347 ex en 2016). Il y a peu de gros échecs à moins de 1 000 ex, mais aucun titre n'a décollé, malgré un réel soutien de la presse et des libraires pour certains d'entre eux. La médiane des ventes se situe à 1 187 ex contre 1 299 ex en 2017 (ce qui signifie que la moitié de nos nouveautés se sont vendues à moins de 1 187 exemplaires). C'est tout juste correct, mais il faudra attendre les chiffres des ventes sur deux ans pour décompter tous les retours fait par les libraires et avoir une vision complète. Nous saurons seulement début 2020 quelles auront été les ventes réelles des nouveautés parues en 2018. En revanche, le tableau ci-dessous nous renseigne sur les ventes sur deux ans de nos nouveautés parues en 2017.

 

Nouveautés 2017, ventes au 31/12/2018
Titre Ventes Retours Ventes nettes
Un soleil entre des planètes mortes 1 285 - 695 590
Sestrières 1 079 - 594 485
Dans l'ombre de la peur 4 234 - 960 3 274
Fudafudak 1 186 - 712 474
L'Araignée de Mashhad 5 028 - 1 275 3 753
L'une pour l'autre 690 - 456 234
Filmo Graphique 3 176 - 835 2 341
L'Athénée 1 893 - 1 227 666
Potlatch 1 725 - 1 101 624
Soudain l'univers prend fin 1 067 - 686 381
Breakfast after noon 1 169 - 774 395
Alors que j'essayais d'être quelqu'un de bien 7 010 - 1 273 5 737

 

Nous avons eu en 2018 beaucoup de retours sur la plupart de nos parution 2017 et donc des ventes finales très basses, avec notamment cinq titres vendus à moins de 500 ex. C'est la première fois que nous avons autant de titres qui se vendent aussi mal et c'est ce qui explique en grande partie les problèmes que nous avons connus, car entre l'achat des droits, la traduction, le lettrage et la fabrication, nous devons vendre en général au moins 1 000 ex pour atteindre le point mort. A 500 ex, on perd pas mal d'argent. Heureusement, Alors que j'essayais d'être quelqu'un de bien de Ulli Lust, qui avait déjà très bien marché fin 2017, a continué à se vendre début 2018 pour atteindre 5 737 ex.. Mais même ce remarquable et remarqué livre a connu un arrêt brutal de ses ventes dès la fin du premier trimestre 2018.

 

In fine, nos nouveautés 2017 se sont donc vendues à 1 580 ex en moyenne (grâce au Ulli Lust et au livre de Mana Neyestani, L'Araignée de Mashhad) mais la médiane des ventes est de 607 ex, encore plus basse que la médiane des ventes sur deux ans des nouveautés 2016 (qui était de 642 ex). La remarque que j'entends souvent est « mais tu n'as qu'a pas publier ces livres-là ». Bon, d'une part on ne sait pas au départ à quel niveau un livre va se vendre. Même si on imagine bien que cela va être compliqué pour certains d'entre eux, on se dit toujours qu'il y a un espoir, même ténu, qu'ils s'en sortent (le déni est l'un des principaux super-pouvoirs des éditeurs). D'autre part, le rôle de l'éditeur est de permettre à des livres d'exister. On a envie qu'ils soient publiés, distribués en librairie, vus, lus quoiqu'il arrive. Et même a posteriori, on ne regrette pas d'avoir publié un livre parce qu'il ne s'est pas vendu. Mais ça peut poser de sérieux problèmes... En 2018, nous avons pu nous en sortir grâce au soutien des nombreuses personnes qui ont participé à notre opération Parasoldes, grâce aux libraires qui ont remis un coup de projecteur sur notre catalogue, et grâce aussi à des subventions bienvenues. Et nous avons fait plus de ventes directes en participant à plein de festivals.

 

Une année noire, donc ? Pas vraiment, car paradoxalement 2018 est à mes yeux l'une des meilleures années de notre maison d'édition d'un point de vue éditorial. La plupart de nos parutions de Juice de Art Jeeno aux Lumières de Niteroi de Marcello Quintanilha ont rencontré un très bon accueil critique. L'Une d'Elles de Una a remporté le Prix Artémisia du Combat Féministe, et nous avons pour la première fois trois titres en Sélection Officielle au Festival d'Angoulême : Deux Femmes de Song Aram (Corée du Sud), Courtes Distances de Joff Winterhart (Angleterre) et Pittsburgh de Frank Santoro (États-Unis). Pittsburgh est d'ailleurs une création originale pour les éditions çà et là, ce qui est un motif de fierté supplémentaire (pour la petite histoire, nous avons vendu les droits de publication aux États-Unis et le livre va sortir là-bas dans le courant de l'année).

 

2019 se présente sous de meilleurs auspices sur le plan des ventes car nous aurons notamment un nouveau livre de Derf Backderf, True Stories (sortie courant avril). Mais il va falloir être créatif et trouver des moyens de palier à cette évolution du marché de la bande dessinée. L’opération de financement participatif que nous venons de lancer sur l'édition d'une version collector de Mon Ami Dahmer (pour participer, c'est ici), s'inscrit dans cette démarche...

 

Rendez-vous l'année prochaine pour la suite de l'histoire !

 

Serge

(Dessin de Marcello Quintanilha, Les Lumières de Niteroi)

Bilan 2018: avis de tempête
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :