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Histoire personnelle et histoire de l'Afrique du Sud

Pour Karlien de Villiers, Ma Mère était une très belle femme est avant tout l'histoire d'une famille, mais elle ne souhaitait pas (et ne pouvait pas) faire abstraction du contexte historique et politique de son enfance, les débuts de la lente disparition du régime de l'apartheid (qui sera officiellement supprimé en 1991 mais dans les faits avec l'élection de Nelson Mandela à la présidence en avril 1994). Le souhait de Karlien était donc de montrer que la vie d'une famille pouvait continuer "normalement" en plein milieu d'un conflit politique." 


Karlien (à droite) et sa soeur Natalie en 1977

 

"La plupart des familles blanches sud-africaines n'ont pas lutté contre l'apartheid ….Et je ne pouvais pas raconter l'histoire d'une enfant née à Soweto, tout simplement parce que je n'y ai pas vécu. De par la loi, nous étions obligés de vivre dans les banlieues blanches et d'aller à des écoles réservées aux blancs. Je pense qu'il aurait été malhonnête de m'inventer un personnage d'enfant politiquement engagée, qui aurait pris des positions anti-apartheid. Cela n'a pas été le cas, pour moi ou pour la plupart des autres enfants blancs de ma génération qui avons grandi dans cet état policier, qui censurait tout livre, film, artiste ou toute personne critiquant l'apartheid. Un système politique conçu pour protéger et accroître les privilèges des blancs.  De ce point de vue, je pense que mon livre est le reflet exact de la vie vue de l'intérieur du "ventre de la bête", et de ce que cela représentait de grandir immergée dans la paranoïa et la psychose de masse engendrées par cette politique inhumaine."

 



Photo de classe en 1987. Karlien est dans le rang du milieu, quatrième en partant de la droite.

 

"J'ai tenté de représenter l'apartheid comme je l'ai vécu enfant, sans réelle possibilité de comparaison critique ou d'analyse. Je vivais dans les banlieues nord du Cap, une zone essentiellement habitée par des afrikaners, où la peur des conservateurs blancs était entretenue par la propagande étatique et l'endoctrinement dans nos écoles et nos églises, où une adhésion très stricte aux préceptes calvinistes était requise pour faire partie de la communauté. L'exclusion raciale, la xénophobie, la peur des "méfaits du Danger Rouge communiste" et du terrorisme étaient encouragés dans tous les aspects de la vie publique. Rétrospectivement, c'est comme si j'avais vécu dans un "vide" ou une "bulle" claustrophobe, xénophobe et religieuse. Mais étant enfant, dans la maison de ma mère, il n'y avait pas de possibilité de comparé cette "folie" à d'autres modes de vie. En 1984, quand le prix Nobel de la Paix fut attribué à Desmond Tutu, il était tout simplement inimaginable que l'Afrique du Sud puisse un jour avoir un président noir."



(*Kafir est l'équivalent de "sale nègre" en afrikaans)

 

"Je voulais juste montrer à travers le regard d'un enfant que des gens ordinaires comme mes parents, mes profs, etc., considéraient les idées et les valeurs de l'apartheid comme normales, c'était la "seule solution politique envisageable" pour l'Afrique du Sud. Quand j'étais jeune, "parce que c'est comme ça" était la réponse récurrente à toute question d'ordre politique. Cela rendait mon histoire difficile à raconter, parce que j'ai dû montrer ma mère (que j'avais énormément pleurée à sa mort) comme une personne naïve au plan politique et complice de l'apartheid par sa passivité face à ce régime. Et à ma grande honte, je devais également montrer combien j'étais naïve et politiquement apathique en grandissant au cœur d'un système que la majorité des sud-africains (les non blancs) et le reste du monde considéraient comme complètement inhumain."


En 1984, Karlien et sa soeur participent à une excursion où,
pour la première fois de leur vie, elles sont les seules blanches.
Karlien a alors 9 ans.

"Mon livre est une tentative de montrer et de comprendre mon propre passé, sans pardonner quiconque, y compris moi-même."


Suite dans un prochain post.

Tag(s) : #infoscaetla
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