J'ai appris hier soir avec une grande tristesse la nouvelle du décès de Harvey Pekar survenu chez lui à Cleveland, dans la nuit de dimanche à lundi. Cette nouvelle est un terrible choc, il m'avait appelé la semaine dernière et semblait plein d'énergie, parlant avec enthousiasme de ses projets (notamment un livre sur la culture Yiddish) ou encore du succès de ses nouvelles histoires d'American Splendor sur le web.
Harvey n'hésitait jamais à décrocher son téléphone, surtout quand il était impatient de toucher des royalties sur les ventes de Splendoren France ! Il pouvait appeler plusieurs fois de suite sur mon téléphone portable, à quelques heures d'intervalle, juste pour être sûr que je n'oublie pas de le payer. La communication devait lui coûter terriblement cher. Harvey n'était pas très branché nouvelles technologies, avec lui, tout se faisait par téléphone ou par courrier.
Notre premier contact fut très bref, il me raccrocha au nez alors que je venais tout juste de lui dire mon nom. J'ai compris plus tard qu'il était horripilé par les relances commerciales téléphoniques, et qu'il avait une fâcheuse tendance à raccrocher un peu rapidement. Une fois expliqué le projet de publication de l'anthologie American Splendor, je lui demandai ce qu'il en pensait. Sa réponse lapidaire: « It's about time ! » (c'est pas trop tôt), ce qui résume bien le personnage. Nos conversations furent par la suite beaucoup plus cordiales.
En dépit de ses problèmes de santé, Harvey restait très actif, il continua d'écrire des histoires d'American Splendor, d'abord pour DC Comics entre 2006 et 2008 (histoires publiées en France chez Panini) puis pour le site Smithmag.net à partir de 2009. Il collaborait également à de nombreuses bande dessinées biographiques ou historiques, comme Macedonia (2006), sur les conflits récents en République de Macédoine, Students for a Democratic Society: A Graphic History (2008), The Beats (l'histoire de la Beat Generation) ou encore l'adaptation en bande dessinée de Working de Studs Terkel (2009).
Je considère comme un énorme privilège et un honneur d'avoir pu collaborer avec ce grand monsieur de la bande dessinée. Harvey Pekar avait encore de nombreuses histoires à nous raconter, je vais profondément regretter de ne pas pouvoir les lire.
Serge Ewenczyk