Diptyque espagnol

Huit ans après Sara, l'autrice espagnole Anapurna revient avec Norbu, une première mondiale – Norbu n'ayant été publié dans aucun autre pays.

Derrière une jaquette au relief montagneux, on découvre deux livres, celui d'Astrid et celui de Marc, ou celui de Marc et celui d'Astrid, deux histoires tête-bêche déroulées chacune de leur côté. Astrid vient de rompre, et doit faire face au silence désarmant de son ex petit ami, qui n'est toujours pas venu récupérer les affaires qu'il a laissées chez elle. Elle tente de poursuivre sa vie, entre son job alimentaire et la préparation d'un concours de danse qu'elle travaille depuis des années. Mais cette histoire l'habite, la hante, et vient s'entremêler à des scènes de la vie quotidienne, s'intercalant entre chaque mouvement, chaque pas, chaque port de bras. Des pensées lancinantes magnifiquement rendues par le découpage des cases dans ces planches qui alternent des mouvements chorégraphiés et des flashbacks qui s'imposent sans crier gare. L'absent est omniprésent, s'efface parfois mais semble toujours revenir. Et cette étape de la rupture, Anapurna la décrit avec une grande justesse, dans les mots et les pensées d'Astrid comme dans les moments de silence où elle s'abandonne à sa tristesse.

De son côté, Marc, se réveille d'une soirée arrosée et agitée, dans la villa d'une inconnue qui le fascine et qui l'entraîne, à travers la montagne et les rivières, dans sa quête d'un joyau dérobé par son frère ennemi. Dans ce monde mêlant réalisme et fantastique, ils gravissent des montagnes, traversent des étendues d'eau, et les pensées de Marc défilent, à la manière d'un monologue intérieur.

Les deux histoires sont très différentes, dans leur registre, la dominance des tons utilisés, le découpage des cases, mais elles sont parsemées d'indices et d'échos qui tissent des liens entre elles, et elles finissent par s'éclairer l'une l'autre au milieu du livre, sur ce papier couché rose. Une très belle bande dessinée, touchante et envoûtante.

Marie