Airbus et Renault viennent de publier leurs chiffres 2017 et ils ont encore vendu plein d'avions et de voitures... A nous de faire le bilan des ventes de l'année écoulée, un bilan moins florissant que dans l'aviation ou l'automobile.
Avec une baisse sensible de la fréquentation en librairie, notamment pour cause d'élections présidentielles, le premier semestre de l'année a été difficile pour la plupart des éditeurs et nos nouvelles parutions n'y ont pas coupé. Seuls deux titres ont tiré leur épingle du jeu, L'Araignée de Mashhad de Mana Neyestani et Dans l'ombre de la peur de Josh Neufeld et Michael Keller. Ce début d'année très compliqué aurait pu nous être fatal, d'autant plus que Noël 2016 n'avait pas été très bon, mais nous avons été sauvés par une très bonne fin d'année des livres de notre fonds et de deux nouveautés du 2e semestre : FilmoGraphique de Edward Ross et surtout Alors que j'essayais d'être quelqu'un de bien de Ulli Lust qui a eu de très bonnes ventes en décembre, poussées par une presse dithyrambique, un gros soutien des libraires et une sélection en compétition officielle pour Angoulême 2018. Dans le détail, cela donne le tableau suivant :
Parution | Titre | Ventes | Retours | Ventes nettes |
---|---|---|---|---|
Janvier | Un soleil entre des planètes mortes | 1 243 | - 573 | 670 |
Fevrier | Sestrières | 1 051 | - 497 | 554 |
Mars | Dans l'ombre de la peur | 3 987 | - 651 | 3 246 |
Avril | Fudafudak | 1 063 | - 412 | 651 |
Mai | L'Araignée de Mashhad | 4 562 | - 768 | 3 794 |
Juin | L'une pour l'autre | 672 | - 224 | 448 |
Août | Potlatch | 1 667 | - 147 | 1 520 |
Septembre | Filmo Graphique | 2 620 | - 17 | 2 603 |
Septembre | L'Athénée | 1 730 | - 44 | 1 686 |
Octobre | Soudain l'univers prend fin | 997 | - 9 | 988 |
Octobre | Breakfast after noon | 1 082 | - 4 | 1 078 |
Novembre | Alors que j'essayais d'être quelqu'un de bien | 4 198 | - 8 | 4 190 |
Les ventes moyennes de nos nouveautés ont augmenté par rapport à 2016, 1 786 exemplaires en 2017 contre 1 347 en 2016, ainsi que la médiane des ventes qui se situe à 1 299 ex contre 906 en 2016 (ce qui signifie que la moitié de nos nouveautés se sont vendues à moins de 1 299 exemplaires). C'est plutôt correct, mais comme il faut attendre les chiffres des ventes sur deux ans pour avoir une vision complète, nous saurons fin 2018 ce qu'il en aura été pour les nouveautés parues en 2017. En revanche, le tableau ci-dessous nous renseigne sur les ventes sur deux ans de nos nouveautés parues en 2016.
Titre | Ventes | Retours | Ventes nettes |
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Cumbe | 1 455 | - 813 | 642 |
Points de chute | 840 | - 616 | 224 |
Retour à Bandung | 1 029 | - 765 | 264 |
Freedom Hospital | 4 959 | - 1 172 | 3 787 |
Nouvelles du front d'un père moderne | 1 294 | - 619 | 675 |
Sara | 978 | - 622 | 356 |
Talc de Verre | 4 179 | - 1 626 | 2 553 |
Ce qui se passe dans la forêt | 996 | - 594 | 402 |
Cosplayers | 1 461 | - 923 | 538 |
Le remarquable et stupéfiant M. Léotard | 2 200 | - 1 003 | 1 197 |
La Famille Fun | 1 633 | - 811 | 822 |
C'est là où le bât blesse, et c'est ce qui a valu des sueurs froides à notre banquier ; nous avons eu en 2017 beaucoup de retours sur la plupart de nos parution 2016 et donc des ventes finales très basses pour ces livres, avec notamment moins de 300 ex vendus pour deux titres. Mauvaise surprise aussi pour Talc de Verre, un livre remarquable de Marcello Quintanilha. Sa mise en place initiale (commandes faites par les libraires en amont de la parution) avait été bonne mais les lecteurs sont passés à côté et nous avons donc eu énormément de retours. Allez donc l'achetez au lieu de lire ces chiffres déprimants ! Cette année-là, un livre a très bien marché, Freedom Hospital de Hamid Sulaiman, mais in fine, nos nouveautés 2016 se sont donc vendues à 1 042 ex en moyenne et la médiane des ventes s'élève à 642 ex, une médiane très très basse.
Petite lueur d'espoir, les ventes du fonds (livres de plus de deux ans d'âge) restent stables par rapport à 2016 et représentent 27 % de nos ventes totales de livres en 2017.
Vous allez me dire que ces chiffres sont peu représentatifs du marché de l'édition de bandes dessinées puisqu'ils ne concernent qu'un faible nombre d'ouvrages, avec une ligne éditoriale « difficile ». Je vous arrête tout de suite et vous je vous invite à méditer sur les chiffres ci-dessous, qui compilent les ventes 2013/2014 de l'ensemble du secteur de l'édition de bandes dessinées et qui m'ont été amicalement fournis par Xavier Guilbert, rédacteur en chef du site du9.org et grand amateur de statistiques et données macro économiques en tout genre. Voici la répartition des ventes à fin 2014 des nouveautés bandes dessinées (hors manga) publiées au cours de l'année 2013, par grandes tranches :
Ventes | Nombre de titres | % des titres |
---|---|---|
Moins de 1 000 ex | 1 453 | 47% |
De 1 000 à 5 000 ex | 1 158 | 38% |
De 5 000 à 10 000 ex | 254 | 8% |
De 10 000 à 50 000 ex | 184 | 6% |
De 50 000 à 100 000 ex | 32 | 1% |
Plus de 100 000 ex | 6 | 0.2% |
Chiffres Ipsos, sorties 2013 (hors manga), ventes à fin 2014 |
On voit donc que 47% des nouveautés parues en 2013 se sont vendues à moins de 1 000 exemplaires sur deux ans. Le tableau ci-dessous analyse plus finement la répartition des ventes pour les titres qui se sont vendus entre 1 000 et 5 000 exemplaires:
Ventes | Nombre de titres | % des titres |
---|---|---|
De 1 000 à 2 000 ex | 580 | 18,8% |
De 2 000 à 3 000 ex | 252 | 8,2% |
De 3 000 à 4 000 ex | 205 | 6,6% |
De 4 000 à 5 000 ex | 121 | 3,9% |
Chiffres Ipsos, sorties 2013 (hors manga), ventes à fin 2014 |
Non seulement la médiane des ventes des nouveautés parues en 2013 était très basse (un tout petit plus de 1 000 exemplaires), mais ces tableaux montrent également que près de 66 % des nouveautés se sont vendues à moins de 2 000 exemplaires en deux ans. Et je subodore que la situation ne s'est pas améliorée depuis. On, voit donc bien là quelle est la réalité des ventes dans notre domaine, sachant que la littérature ou l'édition jeunesse ne sont pas mieux loties, avec toutes les implications que cela peut avoir sur la rémunération des auteurs...
Et voilà, chaque année, ça passe ou ça casse… Cette année, ça passe encore. Rendez-vous l'année prochaine pour la suite de l'histoire !
Serge