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Cela fait un bout de temps que je n'ai pas parlé chiffres (la dernière fois c'était en 2010), mais le bilan des ventes de 2013 est un moment propice pour se livrer à cet exercice. La plupart des données disponibles sur le marché de la bande dessinée sont liées à l'offre éditoriale: le nombre de nouveautés publiées, le volume des tirages, etc. On parle beaucoup moins des ventes, sauf dans le cas des énormes sorties pour lesquelles les chiffres astronomiques deviennent un argument médiatique. Du coup, la plupart des gens n'ont aucune idée de la réalité des ventes en librairie.

Et donc, dans un furieux accès d'exhibitionnisme, voici notre bilan des ventes 2013 pour les nouveautés publiées cette année-là, soit 14 titres (ce qui est équivalent au nombre de nouveautés que nous avons publiées en 2012 et en 2011). Les titres sont énumérés dans l'ordre chronologique de parution.

Brigitte et la perle cachée (janvier) ventes brutes : 1111 ex, retours : 515 ex, ventes nettes : 596 ex
Mon ami Dahmer (février) ventes brutes : 7601 ex, retours : 311 ex, ventes nettes : 7290 ex
Troupe 142 (mars) ventes brutes : 1321 ex, retours : 636 ex, ventes nettes : 685 ex
Tout va Bien ! (avril) ventes brutes : 2898 ex, retours : 1164 ex, ventes nettes : 1734 ex
La Coiffe de Naissance (avril) ventes brutes : 2718 ex, retours : 1051 ex, ventes nettes : 1667 ex
Émile Zola à l'usage des personnes pressées (mai) ventes brutes : 2323 ex, retours : 1108 ex, ventes nettes : 1215 ex
Fables Psychiatriques (mai) ventes brutes : 2533 ex, retours : 279 ex , ventes nettes : 2254 ex
Le Centre de la Terre (août): ventes brutes : 983 ex, retours : 37 ex , ventes nettes : 946 ex
Le Silence (août) ventes brutes : 1442 ex, retours : 62 ex, ventes nettes : 1380 ex
L'été des Bagnold (septembre) ventes brutes : 1151 ex, retours : 47 ex, ventes nettes : 1104 ex
Annie Sullivan & Helen Keller* (octobre) ventes brutes : 6167 ex, retours : 21 ex, ventes nettes : 6146 ex
Sept Saisons (octobre) ventes brutes : 933 ex, retours : 1 ex, ventes nettes : 932 ex
B+F (novembre): ventes brutes : 485 ex, retours : 0 ex, ventes nettes : 485 ex
New School (novembre) ventes brutes : 1465 ex, retours : 2 ex, ventes nettes : 1463 ex
* livre coédité avec Cambourakis

Précision : les chiffres de ventes des livres parus entre août et décembre doivent être pris avec des pincettes car les retours ne sont pas encore décomptés, notre distributeur imposant au libraire un délais de garde de trois mois pour laisser aux livres une chance d'exister. Les ventes définitives de New School, Le Centre de la terre, B+F, Sept Saisons et de L'été des Bagnold risquent d'être sensiblement plus faibles, sauf sursaut des ventes en 2014, ce qui est malheureusement fort improbable. A contrario, les ventes finales de Mon Ami Dahmer et de Annie Sullivan & Helen Keller seront in fine plus importantes que celles constatées en 2013 car ces livres se sont très bien vendus et nous avons déjà beaucoup de réassorts depuis le 1er janvier 2014.

Au final, 2013 aura été en terme de chiffre d'affaires la meilleure année depuis la création de çà et là, essentiellement grâce à deux livres, Mon Ami Dahmer et Annie Sullivan & Helen Keller qui ont respectivement dépassé 7 000 ex et 6 000 ex vendus la première année, ce qui nous est très rarement arrivé (la seule autre fois où nous avons eu deux succès dans l'année c'était avec les 90 livres et 90 films cultes, mais ce sont des livres à 9 €, contre 20€ et 22 € pour le Dahmer et le Keller). Et ce résultat reste élevé même en prenant en compte la part des ventes du Keller qui reviendront à notre coéditeur, Cambourakis.
Ce n'était pas gagné d'avance vu le contexte, et je ne peux que m'en réjouir. En revanche, 2013 sera également l'une des années où nous aurons connu le plus grand nombre de méventes soit cinq, voire six bouquins qui seront à terme à moins de 1 000 exemplaires vendus. Ces livres sont passés à côté de leur public et c'est un véritable crève-cœur.

On assiste depuis quelques années a une accentuation de la polarisation des ventes, avec quelques livres qui arrivent à tirer leur épingle du jeu et marchent bien et presque tous les autres qui se retrouvent avec des ventes basses, voire très basses. Il n'y a quasiment plus de ventes « moyennes ». Les causes sont multiples (la crise économique étant bien sûr un facteur clé), mais a priori on ne peut pas mettre ça sur le dos de la « surproduction » dont certains se plaignent dans la mesure où 2013 a connu une baisse du nombre de nouveautés publiées en bande dessinée pour la première fois depuis de nombreuses années. Et par ailleurs, plusieurs de nos méventes ont été constatées sur le premier semestre, qui est plutôt calme au niveau des sorties. Ce qui est certain, c'est que les prescripteurs sur lesquels nous nous reposons habituellement, la presse, les libraires etc, sont beaucoup moins écoutés et suivis qu'avant. Nous l'avons constaté sur plusieurs titres, comme Brigitte et la perle cachée d'Aisha Franz ou L'été des Bagnold de Joff Winterhart, qui ont eu un bon soutien de la presse et des libraires et des ventes faibles.

Sur l'année, on peut se livrer à un petit exercice de calcul (même si çà et là est un minuscule éditeur et que la valeur statistique de ces chiffres est très limitée, ça me permet de mettre en application le chapitre de maths que je viens de réviser avec un de mes gamins). Ventes moyennes des nouveautés 2013 : 1 992 exemplaires, chiffre tout à fait correct dans l'absolu. En revanche, la médiane des ventes est à 1 297 exemplaires: sur 2013, nous avons vendu autant de nouveautés à plus de 1 297 ex qu'à moins de 1 297 ex. Nous avons donc une médiane des ventes très proche du point mort de la plupart de nos sorties (point mort qui est à 1 100 ex en moyenne), ce qui provoque des problèmes de trésorerie quand on enquille plusieurs tôles et entrave le financement des frais généraux de la structure, qui sont certes bas, mais non nuls.

En résumé, ça devient très compliqué pour les livres qui ne bénéficient pas d'une grosse exposition médiatique, ou ceux dont le format ou le dessin ou je ne sais quoi encore peut sembler difficile d'accès aux lecteurs. Évidement, il y a toujours des exceptions, mais ce phénomène est le même pour beaucoup d'éditeurs indépendants. Comme nous publions, dans l'ensemble, des livres « difficiles » et que les ventes de fonds (livres publiés il y a plus d'un an) sont de plus en plus basses pour de nombreux éditeurs, nous sommes tous « condamnés » à avoir chaque année au minimum un succès (chacun à son échelle) pour financer les échecs des autres livres et nos frais généraux. Cela a toujours été le cas dans l'édition, mais ce phénomène s'est singulièrement accentué ces deux dernières années et est renforcé par la baisse des ventes moyennes qui rend notre métier encore plus difficile et aléatoire...
Mais ça ne nous empêche pas de continuer notre petit numéro d'équilibriste (cf. notre programme de l'année), le tout est de ne pas avoir le vertige car le vent souffle fort et le fil est fin. Rendez-vous l'année prochaine - même endroit même heure - pour le bilan 2014 !


Serge

Bilan 2013, mi-figue mi-raisin
Tag(s) : #bande dessinée
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