A une semaine du Festival d'Angoulême, il est temps, pour la onzième année consécutive, de faire notre bilan annuel. Il y a un an, je concluais le bilan exceptionnel de 2022 en écrivant que nous nous attendions à un retour à la normale... Il va falloir attendre encore un peu car l'année 2023 a été magnifique, splendide, incroyable et extraordinaire, tout ça à la fois. Grâce à l’énorme succès que connaît La Couleur des choses, de Martin Panchaud, nous avons fait notre meilleure année à ce jour.
Mais rembobinons un peu le film… En début d'année, La Couleur des choses a remporté le Fauve d'or du Festival International d'Angoulême, ce qui était doublement inattendu car ce livre improbable avait déjà connu un joli succès critique et public, et je ne pensais pas qu’il serait primé à Angoulême, d’autant plus que nous avions déjà remporté le Fauve d'or en 2022 avec Écoute, jolie Marcia. Deux Fauves d'or de suite... Je ne m'en suis toujours pas remis ! Et en plus, Naphtaline, de Sole Otero, a remporté le Prix du Public France Télévision ! Au cours de l’année, plusieurs de nos parutions ont été sélectionnées dans des festivals ou pour différents prix. Les Oiseaux de Papier de Mana Neyestani a notamment reçu la mention spéciale du Jury de la BD œcuménique. Par ailleurs, le travail de Lukasz Wojciechowski (auteur de Dum Dum) a été présenté au festival Formula Bula et il y a eu une belle exposition Mana Neyestani au Festival Un aller-retour dans le noir de Pau. Et en fin d’année, lorsque la liste des titres sélectionnés pour l’édition 2024 du Festival d’Angoulême a été annoncée, nous avons eu la joie d’y voir trois de nos ouvrages : Cyan, de Lucia Biagi, en lice pour le Fauve Polar, ainsi que Dum Dum et Les Oiseaux de Papier en compétition officielle.
Évidemment, tout cela a eu un impact considérable sur nos ventes de l'année, qui ont connu une forte croissance. Suite au Prix du Public d’Angoulême, les ventes de Naphtaline sont passées de 3200 exemplaires vendus en 2022 à 5700 fin 2023. Et La Couleur des choses a explosé. Nous en étions à environ 17000 ex vendus juste avant Angoulême. 40 000 ex supplémentaires ont été vendus sur le reste de l’année. Les très forts en calcul mental ont bien compté ; il s'est vendu 57000 exemplaires de ce titre à fin 2023... S'ajoutent à cela les très bonnes ventes des Oiseaux de Papiers, de Cyan de Lucia Biagi et du Petit Manuel de non-développement personnel d'Alberto Montt. Bref, le carton plein.
Voici le détail des ventes en librairies :
Parution | Titre | Ventes | Retours | Ventes nettes |
Janvier |
Ames publiques |
2 355 | -1 006 | 1 349 |
Février |
Deep Vacation |
1 396 | -490 | 906 |
Mars |
Les Oiseaux de papier |
4 275 | -713 | 3 562 |
Avril |
Darna |
1 990 | -339 | 1 651 |
Mai |
Dum Dum |
1 301 | -359 | 942 |
Mai |
Genome Express (Ginokso) |
1 409 | -292 | 1 117 |
Juin |
Bradley à Bradley |
1 307 | -429 | 878 |
Août |
Le Printemps prochain |
1 232 | -76 | 1 156 |
Septembre |
Cyan |
2 205 | -29 | 2 176 |
Octobre |
L'homme triple |
1 020 | -5 | 1 015 |
Octobre |
Jin & Jin |
1 133 | -8 | 1 125 |
Novembre |
Petit Manuel de non-développement personnel |
2 638 | -1 | 2 637 |
Les ventes moyennes de nos nouveautés étaient de 1571 ex en 2019, 3400 ex en 2020 (nous avions alors reporté la parution de tous nos livres fragiles), 1755 ex en 2021 et 3055 ex en 2022 (année de parution de La Couleur des choses). Celles de 2023 traduisent un retour à la normale, avec une moyenne de ventes de 1543 ex pour les 12 nouveautés de l'année, un niveau tout à fait correct pour nous, grâce aux trois nouveautés citées plus haut. Comme en 2022, seuls trois titres sont en dessous de 1000 ex, ce qui nous arrive très rarement. Peut-être faut-il y voir un effet indirect des prix de l'année, une forme de ruissellement... La médiane des ventes est à 1141 exemplaires (ce qui signifie que la moitié de nos nouveautés 2023 se sont vendues à plus de 1141 exemplaires). C'est moins bien qu'en 2022, mais cela reste correct, sachant qu'en général notre point mort est d'environ 1200 ex. Comme chaque année, il faudra attendre les chiffres des ventes sur deux ans pour décompter les retours faits par les libraires et avoir une vision complète des ventes réelles de ces parutions. Le tableau ci-dessous nous renseigne sur les ventes sur deux ans de nos nouveautés parues en 2022.
Titre | Ventes | Retours | Ventes nettes |
Le dernier sel noir |
825 | -688 | 137 |
Naphtaline |
6 638 | -894 | 5 744 |
Easy Breezy |
2 438 | -790 | 1 648 |
Déplacement, vol.2 |
883 | -600 | 283 |
Changement de saison |
1 573 | -935 | 638 |
L'Epée |
2 340 | -386 | 1 954 |
Keeping Two (coédition avec L'employé du moi) |
2 698 | -782 | 1 916 |
La Couleur des choses |
58 385 | -1 381 | 57 004 |
Gravité Express (label Ginosko) |
2 927 | -1 754 | 1 173 |
Peau |
3 453 | -461 | 2 992 |
Discipline |
1 652 | -1 146 | 506 |
La conquête de la Terre par les chats |
7 371 | -508 | 6 863 |
Clairement, il y a un arbre qui cache la forêt. Les ventes exceptionnelles de La Couleur des choses en 2023 faussent en partie la lecture de ce tableau, notamment l'indicateur des ventes moyennes (6 738 ex) qui ne veut plus dire grand chose. Mais on peut remarquer que plusieurs autres titres s'en sont très bien sortis, notamment Naphtaline (merci le Prix du Public d'Angoulême), Peau (merci le Prix Goscinny du scénario) et La Conquête de la terre par les chats d'Alberto Montt (merci les chats). Remarquons aussi que la médiane des ventes reste très bonne, à 1 782 exemplaires au lieu d'environ 800 ex ces dernières années (sauf l'exception de 2020).
Enfin, compte tenu du volume très élevé de ventes réalisé par La Couleur des choses en 2023 - plus de 41 000 ex - le taux de retours que nous avons connu l'année dernière est historiquement (et anormalement) bas, à 13%. D'autre part, pour la même raison, les ventes du fonds (titres de plus de deux ans) sont beaucoup plus basses que ces dernières années, à 17%, mais on ne va pas s'en plaindre !
Ceci dit, nous ne roulons pas sur l'or pour autant. Une grande partie de la marge générée par les ventes de La Couleur des choses sert à rembourser les dettes de çà et là et notamment le colossal PGE (Prêt Garanti par l’État) contracté et utilisé pendant le covid. Et puis on augmente les avances aux auteurs et aux autrices, on les rémunère pour les dédicaces en librairie, etc. Et notre compte bancaire n'est plus à découvert en permanence, c'est déjà beaucoup.
Mais il n'est pas arrivé uniquement des bonnes choses en 2023. Pour la deuxième fois depuis nos débuts, nous avons connu un divorce avec un auteur (la première fois c'était avec Linda Medley, l'autrice de Château l'Attente). En l’occurrence, il s'agit de Dash Shaw, dont nous avions publié six remarquables romans graphiques ces quinze dernières années. Dash trouvait que nous ne faisions pas bien la promotion de son travail et que çà et là n'était pas une maison d'édition assez "prestigieuse" pour son nouveau roman graphique... Évidemment, je ne l'ai pas très bien pris vu que nous avons toujours défendu son travail bec et ongles. Du coup, j'ai annulé les contrats que nous avions avec lui et nous avons mis en arrêt de commercialisation tous ses titres, qui ne sont plus disponibles en librairies depuis septembre 2023. C'est désagréable pour tout le monde, mais ça arrive de temps en temps, et à la réflexion, c'est normal, il est juste parfois un peu compliqué de s'entendre sur la garde des enfants.
Donc dans l'ensemble une année très mouvementée, avec beaucoup de grosses joies et quelques peines. Je suis curieux de savoir ce que 2024 nous réserve. En tous cas, nous avons un beau programme éditorial (cf le détail ici). Espérons que tout se passera suffisamment bien pour que nous puissions fêter dignement nos 20 ans en 2025 !
Serge